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ses quand deux cent forbans s’apprêtent à vous tomber dessus. Le plus singulier — mais ce détail demanderait confirmation, bien que je ne le croie pas de l’invention de Corbière, — c’est que lesdits forbans avaient des femmes à leur bord et qu’elles ne furent pas les dernières au pillage. Là-dessus le Panayoti saute : Trémintin voit trente-six chandelles et est lancé en l’air comme un bouchon de Champagne ; son commandant, « en quatre morceaux, sans compter l’uniforme », lui passe « au razibus », si près qu’il « en sent le vent ». Puis tout sombre autour de lui et en lui. Comme chez le personnage de Labiche, il y a une lacune dans son existence. Tout ce que je sais, dit il, — et ceci contredit un peu l’amiral Halgan, —

 
       … C’est qu’un jour j’ouvre l’œil bel et bien,
D’vinez où ? Sauf vot’respect, sous l’nez d’un chirurgien
D’troisième classe…



un chirurgien de la Lamproie, le navire convoyeur du Panayoti, que le bruit de l’explosion avait attiré sur les lieux et qui avait « repêché en dérive » l’infortuné Trémintin.

J’arrête là mes citations. Je ne m’en exagère pas la valeur historique : je sais que les poètes ont droit de beaucoup oser, mais je sais aussi que Corbière était un des auditeurs les plus assidus du brave Trémintin et que, fils de marin et marin lui-même, il se piquait d’une scrupuleuse fidélité dans ses transcriptions de scènes de la vie maritime.