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était quitte pour une jambe cassée et des brûlures un peu partout ; on le retrouvait à la côte, évanoui, mais vivant encore.

L’amiral Halgan ajoute qu’il fut transporté et soigné chez le gouverneur de Stampali. Est-ce bien sûr ? En tout cas, de retour en France, Trémintin dut entrer au Val-de-Grâce et prendre une retraite anticipée. Du moins les pouvoirs publics ne lésinèrent pas avec ce héros : on le décora, on lui offrit une épée d’honneur et on lui conféra le grade d’enseigne qui équivalait alors à celui de lieutenant de vaisseau. Trémintin put ainsi « se la couler douce » jusqu’à la fin de sa vie qui se prolongea jusqu’à l’âge respectable de 93 ans. Grâce à quoi, des hommes de ma génération ont pu connaître et entendre, à Roscoff, où il s’était retiré, le dernier survivant du Panayoti.

Un de ces privilégiés fut précisément l’auteur des Amours jaunes, ce fumeux et génial Tristan Corbière qui signait au-dessous de son nom : « poète de mer, à Roscoff ». Héros et poètes sont fait pour sympathiser. À force d’ouïr Trémintin conter dans les cabarets du port « le bastringue de son exploit » du Panayoti et vanter aux camarades le fameux lapin qu’était le commandant Bisson :

Ah ! n’y avait pas comm’lui pour le mat’lot sauté !


Tristan finit par connaître par cœur le sujet et n’eût plus, pour le « mettre en vers » qu’à l’adorner de quelques rimes appropriées.

Ce curieux et savoureux poème est encore inédit. J’en dois la communication à un artiste distingué, M. Ernest Noir, fils du romancier Louis Noir, qui fut un des amis de Tristan à Roscoff et qui hérita d’un des précieux albums où le fantasque auteur des