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tions publiques : les efforts tentés par la fille du grand écrivain pour en éviter l’aliénation n’ont pu aboutir, et des camions ont emporté hier, vers un toit plus hospitalier, le mobilier de l’auteur des Souvenirs d’enfance et de jeunesse. Rosmaphamon survivra sans doute, en tant qu’immeuble. Mais Rosmaphamon sans Renan sera-t-il encore Rosmaphamon ?

J’ai voulu voir au moins, une dernière fois, avant qu’elle n’ait changé d’hôtes et perdu la physionomie que la piété filiale de Madame Noémi Renan lui avait conservée, cette maison naguère si accueillante, où passèrent tant de visiteurs illustres et qui ne rebutait pas des pèlerins moins fortunés. Le vendredi est le « jour des pauvres » en Bretagne et chaque semaine, ce jour-là, leur procession loqueteuse emplissait l’avenue de Rosmaphamon : les aumônes qu’ils recevaient de la main du maître ou de sa femme, ils les payaient en patenôtres.

— C’est encore moi qui gagne à l’échange, expliquait Renan avec bonhomie, et je reçois de ces pauvres gens infiniment plus que je ne leur donne.



Où sentirait-on mieux qu’ici, d’ailleurs, l’espèce de vertu pacifiante que la mort peut dégager du conflit des idées ? Cette maison de Renan, c’est aussi la maison de ses deux petits-fils, Ernest et Michel Psichari, les deux héros chrétiens tombés à Rossignol et en Champagne. Je les y ai vus, enfants, autour de leur grand-père dont ils étaient l’orgueil. Je retrouve leur image auprès de la sienne, dans le salon du rez-de-chaussée, tendu de la même andrinople écarlate, décoré des mêmes toiles des frères Scheffer, où l’illustre philosophe me reçut un jour avec