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franc, je crois qu’elle travaillait beaucoup plus de la langue que du battoir. Tant y a qu’elle envoya promener notre Yann, qui se contenta de lui répondre : « Bien ! Bien ! continue, God[1]… Ne te presse pas, ma chérie… Tu as de bonnes jambes et tu seras rendue avant moi à Lannion. » De fait, pas plus tôt à la Croix-Rouge, qui n’est qu’à une pipée d’ici, il voit arriver Marc’harit, tout essoufflée. « Eh ! là, God, lui crie-t-il, où cours-tu ? Nous avons le temps, ma chérie, rien ne presse… Enfin, si c’est ta fantaisie de faire deux fois la route, ne te gêne pas. Tu me trouveras, au retour, dans ce fossé, où je vais ruminer une chanson en t’attendant. » Marc’harit, comme une somnambule, poursuit son chemin : elle ne marche pas, elle galope. La voilà rendue à Lannion. Elle s’enquiert de son mari à l’auberge où il a coutume de descendre. On lui répond qu’on ne l’a pas vu. Inquiète, elle retourne sur ses pas, traverse en trombe Trézeny, Coatréven, Camlez, Kerménou et ne retrouve son mari qu’à la Croix-Rouge, autant dire à l’endroit même d’où elle était partie. « Eh bien ! God, lui demande alors Yann-ar Gwenn, es-tu contente de ta promenade ? Tu ne voulais pas m’accompagner, pour mes affaires, à Lannion, ce matin ? Et voilà que tu y es allée et que tu en es revenue toute seule, pour rien, dans la même journée. On a bien raison de dire que l’humeur des femmes est changeante ! »

Le brave Yves Le Coz m’en aurait conté bien d’autres sur Yann-ar-Gwenn, si je n’avais été obligé d’abréger ma visite à Kerotré. Il me fallait voir

  1. Un des diminutifs bretons de Marguerite.