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SUR LA PISTE
DE YANN-AR-GWENN.



À mes amis Morvan-Goblet.


Si vous le voulez bien, mes bons amis, aujourd’hui nous prendrons le chemin de Plouguiel (Côtes-du-Nord). Le ciel d’été, rafraîchi par une averse nocturne, est d’une délicieuse limpidité. Et le pays où je vous mène, s’il ne s’appelait déjà le pays de Yann-ar-Gwenn, mériterait qu’on l’appelât le pays des sources.

La canicule ne les a point taries : elles luisent au creux des roches, comme de beaux yeux humides ; et, d’autres fois, elles se dérobent pudiquement sous les aulnes, elles courent de ravins en ravins et se hâtent vers la mer prochaine et maternelle. On ne les voit pas ; elles ne se trahissent çà et là qu’à une lueur rapide, — comme une nymphe, en fuyant, découvre un bout d’épaule ou l’éclair d’une hanche allongée.

Ce sont nos Eaux-Douces d’Armorique. Et le fait est qu’un des plus beaux domaines qu’elles arrosent a reçu de son premier propriétaire, M. Tallibart l’ancien, qui avait été l’horloger en chef du sultan, le surnom de Constantinople. M. Tallibart ne poussait pas la passion de l’exotisme jusqu’à s’habiller en mamamouchi : cependant il avait copié dans sa villa le style et l’aménagement intérieur des maisons de Galata, et son Castellic était une réduction de Yldiz-