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des gens qui ont de l’esprit dans cette immensité de Bretons.

Mais, ma mie, cette innocente flatterie que je vous faisais et dont on me tient si cruellement rigueur, ne l’ai-je point rachetée dans dix, vingt, trente autres lettres où je vous disais à quel point la Bretagne m’était devenue chère ? Ne vous écrivais-je point certain dimanche de septembre 1671 : « J’aime nos Bretons : ils sentent un peu le vin — ah ! cela, je ne puis le retirer et c’est un fait aussi et l’on n’y peut aller contre — mais votre fleur d’orange ne cache pas de si bons cœurs », et l’un des dimanches précédents : « Je trouve (en Bretagne) des âmes plus droites que des lignes, aimant la vertu, comme, naturellement, les chevaux trottent », et encore : « Je ne comprends pas bien votre Provence et vos Provençaux : ah ! que je comprends mieux mes Bretons ! »

Mes Bretons ! les miens, entendez-vous ! Oui, ma fille, je me croyais Bretonne et tout le monde le croyait autour de moi ; les Rochers, plus que votre père, avaient fait ce miracle. Bretonne, au point de mériter que Bussy me traitât d’« immeuble de Bretagne » ! Bretonne, au point d’épouser les sentiments ombrageux de cette province et son horreur du despotisme ! Bretonne, au point de jeter feu et flammes quand on touchait à ses privilèges, comme il arriva quand le roi ôta au gouverneur de Bretagne le droit de nommer les députés sans aucune dépendance. « Est-ce une chose bien naturelle, vous mandai-je, qu’un gouverneur dans sa province ne choisisse point les députés ? Les autres gouverneurs de Languedoc et d’ailleurs en usent-ils ainsi ? Pourquoi faire cette distinction à l’égard de la Bretagne, toujours toute libre, toute conservée dans ses prérogatives, aussi considérable par sa grandeur que par