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LETTRE OUVERTE de Mme de SÉVIGNÉ

Sur des Bretons qui lui refusaient une Statue à Vitré.



À SA FILLE.


Enfin, ma fille, me voici dans ces pauvres Rochers. J’y descendis par le plus beau clair de lune qui se pût voir. M. Boissier[1] m’avait assuré que tout y était resté en l’état, qu’on n’y avait rien changé et qu’après deux cents ans et plus je retrouverais mes tilleuls, mon écho, mon cadran, mes devises, mon petit cabinet et ma chambre comme je les avais quittés.

J’avais peine à l’en croire et que mes héritiers eussent poussé l’attention jusqu’à ne vouloir pour fermiers et pour jardiniers que les descendants authentiques de Bordage, de Catherine, de Meneu et de Gareau. Mais tout cela est vrai à la lettre. Et cette attention m’a plus touchée que les honneurs qu’on me voulait rendre. Croiriez-vous que l’écho de la place Coulanges ne s’est point enrhumé avec l’âge ? Il est toujours le même petit rediseur de mots à l’oreille ; mes tilleuls ont bien quelques verrues, mais ils sont élagués et font une ombre aussi agréable que dans leur jeunesse. Il y a un petit air d’amour ma-

  1. Le dernier biographe, à cette date (1913), de Mme de Sévigné. Aujourd’hui ce serait André Hallays. (Note de l’édit.).