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de gypaète et si pareil en vérité à l’un de ces hôtes des grandes altitudes que je n’eusse pas été autrement surpris quand votre manteau se serait gonflé et vous eût emporté comme une aile vers les cieux maugrabins. « Il serait bien oiseux de disputer si l’on n’a pas vécu auparavant, si l’âme n’a pas eu d’existence antérieure, » remarque quelque part Edgard Poe. « Tel le nie ; bon ! Je suis convaincu et ne cherche point à convaincre. » Ni moi non plus, bien qu’un vieux fonds de crédulité celtique me porte à penser que tout n’est pas vain dans les rêveries des bardes sur la métempsychose. Taliésin, au premier stade de sa triple existence, disait avoir été daim tacheté. Et l’indice animalesque est si criant chez tant de nos contemporains !

Mais le Barrès que j’évoquerai ne sera pas ce Barrès de la fin, réalisé dans son type altitudinaire et spécifique, le Barrès qui s’était perdu de vue et à qui les choses et les êtres n’apparaissaient plus que sous leur aspect d’éternité, comme des points à peine perceptibles sur la vaste face d’un horizon à la proportion de son âme. Ce sera le Barrès de la vingt-quatrième année, sceptique, charmant, presque ingénu, même un peu gauche, d’avoir été tourné en ridicule devant ses camarades par d’ignares pédants de collège, et cependant si conscient de son génie, si avide de domination, si décidé déjà, fût-ce en violentant le destin, à plier l’univers au rythme des battements de son cœur ! Quelques études dans des revues obscures, les quatre numéros des Taches d’encre et une collaboration intermittente au Voltaire sous forme de chroniques ou de fantaisies dialoguées, c’était, comme on dit, tout son bagage avec un livre inachevé et encore sans titre, qui n’était pas tout à fait un roman, ni tout à fait un essai de psychologie,