Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Les femmes, observe quelque part Cicéron, gardent mieux que les hommes le dépôt de la tradition, facilius mulieres incorruptam antiquitatem tradunt ». Luzel, dans ses enquêtes, vérifia fréquemment l’exactitude de la remarque. Deux femmes, entre toutes, lui furent des collaboratrices précieuses : Perrine Luzel, sa sœur, et Marguerite Philippe. La mort, qui fauchait autour d’elles, les a respectées. Perrine habite Keramborgne, la maison même où naquit Luzel et qui fut bâtie par son grand-père, en 1798, sur les ruines et avec les pierres d’un manoir de la Renaissance dont il demeure un joli arc de portail encastré dans la façade d’une grange voisine. Perpendiculairement à cette petite maison s’en voit une autre, plus grande, à étage et à grenier mansardé, qui porte le millésime de 1826. C’est dans cette maison que Luzel fut élevé, et c’est d’elle qu’il a daté tant de jolis contes, tant de gwerz héroïques et de sônes émouvantes, publiés dans ses Veillées bretonnes et dans ses Chants populaires de la Basse-Bretagne.

Keramborgne (ou Kerarborn) est sis en Plouaret (Côtes-du-Nord.) On y accède, au chuchotement de sources invisibles, par un flexueux tunnel de verdure : la grande route quittée, le sentier flâne entre deux hauts talus plantés de noisetiers qui font au promeneur un dôme de sombre émeraude et l’accompagnent jusqu’à la lisière d’un petit bois de châtaigniers et de chênes précédant les bâtiments d’habitation. Chemin faisant, soit qu’on prenne la traverse de Stang-Mino, soit qu’on aborde Keramborgne par Saint-Carré, on laisse à main droite les manoirs de Guernaham et de Guer-