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croire, dut longtemps suffire aux Cornouaillais des hautes terres qui, même aujourd’hui, me dit-on, considèrent le foyer domestique comme un asile inviolable et sacré. Le père y tient la première place ; après lui, les enfants mâles et les serviteurs du même sexe ; la mère n’arrive qu’ensuite. Non point que son influence soit contestée ni contestable et que la femme, en Cornouaille, ait abdiqué ce sens aiguisé et cette entente des intérêts domestiques qui lui assurent presque partout en Bretagne la direction occulte du ménage ; mais cette influence ne se traduit par aucun signe extérieur : à table les hommes et jusqu’aux valets de charrue sont servis les premiers ; à l’église, tandis que le chœur et le transept sont réservés aux paroissiens du sexe fort, les femmes sont reléguées au bas de la nef ; en visite, la femme s’efface pour laisser passer l’homme ; en voyage, elle se tient à l’écart de l’homme et un peu en arrière ; la mort même ne rétablit pas l’égalité entre les deux sexes et l’on cite certains cantons des Montagnes-Noires où le mari ne porte pas le deuil de sa défunte…

De telles mœurs nous étonneraient chez un peuple qui poussa le culte de la femme au point d’idéaliser ses faiblesses et de proclamer la fatalité de l’amour, dans le pays de Tristan et d’Iseult, à l’orée des bois où Merlin, après treize cents ans, n’a pas encore rompu l’enchantement qui le retenait prisonnier de Viviane, si nous ne savions tout ce que cette apparente dureté de l’homme dans les ménages cornouaillais cache en réalité d’infini respect pour la mère, de tendresse silencieuse et profonde pour l’épouse. Aussi bien