Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la Haute-Cornouaille a mieux conservé qu’aucune autre contrée de la Bretagne sa physionomie traditionnelle et séculaire : les petits chemins de fer économiques qui la pénètrent de part en part depuis cinq ou six ans sont de date trop récente pour avoir dérangé l’essentiel de cette physionomie, et le raccourci que nous en présente Jaffrennou dans ses vers est bien conforme à ce que les historiens et les voyageurs du passé nous avaient dit de ce pays grave, presque austère, nourri de blé noir et de seigle, aux grandes forêts mystérieuses alternant avec des landes infinies et comme écrasées de tristesse, mais où les abeilles de Bretagne pompaient un miel d’une douceur exquise et si réputé qu’on l’exportait jusqu’au fond de la Suède il y a quelques années encore.

Entre ces landes et ces forêts, sur les pentes de l’Arrhée et du Ménez-Du, dans les verdoyantes « coulées » du Blavet, du Trieux et de l’Aune, partout où le dur granit natal s’humanise, vivait une population mi-pastorale, mi-agricole, vêtue de ce souple et résistant berlinge brun spécial aux tisseries de la Cornouaille et qui s’ouvrait sur un gilet de drap bleu aux boutons de cuivre armorié. Une peau de bique sans manches, l’hiver, complétait l’ajustement. Tel est toujours — les bragou-ber et les houseaux compris — le costume des Cornouaillais de Braspartz et de Saint-Herbot : si ce costume s’est quelque peu « modernisé » dans la Cornouaille de l’Est, la nécessité y a eu plus de part que la volonté des habitants. Le Cornouaillais n’est point l’homme des concessions.

« Dans cette contrée si belle de sauvagerie, dit Jaf-