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pas moins au château de Winchester une prétendue Table-Ronde qui fut exécutée après coup sur les indications des chroniqueurs.

Les Anglais sont assez coutumiers de ces supercheries. Ils y sont passés maîtres : à la table de Winchester, je préfère une simple gravure tirée d’un vieux livre imprimé en 1483 par le premier imprimeur du Royaume-Uni, Caxton, gravure qui permet de prendre une idée assez exacte de la manière dont étaient disposés les convives. La Table-Ronde, d’après cette gravure, au lieu d’être pleine, avait la forme d’un anneau. Le roi occupait le centre de l’anneau ; ses chevaliers, le pourtour extérieur. Il faut croire, du reste, que la table était mobile et portative, car on la voit figurer tantôt à Camelot, tantôt à Windsor, tantôt à Caerléon et tantôt à Winchester. Et il faut croire aussi, à en juger par la gravure, que les cent cinquante chevaliers de l’ordre ne s’y asseyaient point tous ensemble, mais par fournées successives. La table conservée au château de Winchester, malgré ses dimensions colossales, ne pourrait recevoir elle-même plus de cinquante convives ; c’est une de ces reliques apocryphes comme le Saint-Graal de Gênes, autre accessoire de la légende arturienne, que Joseph d’Arimathie aurait apporté et caché à Glastonbury, que Galahad, le pur chevalier, aurait retrouvé sur le sommet d’une montagne, qu’il aurait précieusement enfermé à Carbonek dans une tour sans ouverture, qui s’en serait échappé un beau matin jusqu’à Césarée en Asie Mineure, aurait été repris par les croisés en 1101, déposé à Gênes en 1115, volé par les troupes françaises en 1794 et