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le fantôme de Publius Crassus et qui turenf les Thermopyles de la résistance armoricaine.

Cette Cornouaille de l’Est, patrie de la Tour-d’Auvergne, de l’évêque Audrein et de cet étrange Balbe ou Ar Balb, notaire et capitaine de bandes qui fomenta la terrible jacquerie du Papier-Timbré, mérite vraiment sa qualification de bro ann dud dir de « terroir des hommes d’acier »[1] : la race y est courte, sèche et nerveuse, race de brachycéphales entêtés et volontaires. N’était sa stature un peu haute, Jaffrennou en fournirait un excellent spécimen. La première fois que je le vis, avec ses dents de jeune loup dans une face presque carrée, glabre, sans une ombre de duvet, portée sur un cou rond et puissant comme un fût de colonne romane, son penn-baz à la main, les jambes serrées dans des houseaux de toile bise, la large ceinture de cotonnade retenant les braies bouffantes et débordant sur le gilet aux passementeries de soie orange, le grand chapeau à cuve et à ruban de velours sombre moulant un crâne épais, sphéroïdal, légèrement aplati aux tempes, signe de résolution et d’entêtement, je crus voir un de ces chefs de clan tels que nos paroisses bretonnes en avaient conservés jusqu’aux approches de 89, sortes de Roundheads armoricains, âmes rudes, caractères inflexibles et d’un loyalisme éprouvé, mais impatients du joug monarchique à mesure que la centralisation administrative se faisait plus tyrannique et qu’elle empiétait sur leurs fran-

  1. D’où le pseudonyme bardique de Jaffrennou : Taldir (Front d’Acier).