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ma mère, dont le pwcka domestique avait laissé tomber par mégarde son fog-cap et lui était apparu à l’improviste, fut prié sur-le-champ d’en donner une représentation graphique aussi exacte que possible. Il traça sur le mur, au charbon, la figure que voici. Le pwcka n’était pas très joli, comme vous voyez ; sa tête tient de l’oiseau et du poisson. Mais il ne faut pas oublier que notre artiste improvisé n’avait rien d’un Raphaël et quelque gaucherie est manifeste dans son dessin. En général, cependant, on peint les pwckas comme assez difformes et terriblement poilus. Leur voix tinte comme une clochette fêlée ; ils n’ont ni os ni sang et, quoique sans ailes, ils sont aussi légers que le souffle. Tel est le gobelin de Minydd-y-Tvvyn, la montagne que vous apercevez de cette fenêtre et qui domine Llanover. Il n’y eut jamais de pwcka plus espiègle, non pas même Tom-Thumb en personne. Brouiller les fils des fuseaux, écrémer le lait, chiffonner le bavolet des fermières, vider dans le poivrier le contenu des tabatières et dans les tabatières le contenu des poivriers, étaient les moindres de ses malices. Mais où sa joie passait les bornes, c’est quand il pouvait arrêter les mulets chargés de houille qui traversaient la montagne ; les mulets, comme pétrifiés, refusaient tout service. Il était partout à la fois. Dans une ferme, à la veillée, une coquette disait un soir : « Voyez les jolis pieds que j’ai. » — « Ils ne valent pas les miens », dit une voix flûtée derrière elle. Et brusquement, dans l’ombre, il avançait un pied de bouc et fondait comme bulle dans un éclat de rire. Ses hôtes le soignaient malgré tout. Chaque soir on