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Port-Clos, l’entrée du plus délicieux des fiords bretons ; l’ancienne cambuse de baleinier, où quelques artistes, deux ou trois poètes se réunissaient autour de « tonton Job »[1], est aujourd’hui un Chat-Noir bréhatin à l’enseigne des Décapités. Encore ces Décapités (cinq têtes cueillies par le prestigieux pinceau d’Osterlind sur les épaules des premiers familiers de la cambuse : Ary Renan, Edmond Haraucourt, le pharmacien Balcon, Osterlind lui-même et votre serviteur) ont-ils une manière de sens commémoratif. Mais que dire de l’Hôtel de Robinson, à l’île de Balz, avec l’inscription de son cèdre relevée par M. Caradec : « C’est dans les branches de cet arbre que Robinson passa la nuit qui suivit son naufrage, alin de se soustraire à la voracité des bêtes fauves dont cette île était infectée » ? Ô fleur de l’esprit montmartrois épanouie sur la dune de Pol Aurélien ! Est ce Belle-Isle qui a conquis Mme Sarah Bernhardt ou Mme Sarah Bernhardt qui a conquis Belle-Isle ? Et vous, Arz, Île-aux-Moines, Berder, Boëte, Tascon, Hur, reines des eaux morbihannaises, entre vos maisons blanches de retraités et de capitaines au cabotage, n’auriez-vous pas un peu trop laissé se faufiler de cottages modern-style et de manoirs néo-gothiques

Mais les autres îles de la mer bretonne sont intactes. Ni Sein, ni Groix, ni les Glénans, ni Houat, ni Hœdic, ni Er, ni Callot, ni Molène, ni Biniguet, ni Ouessant même, en dépit du détachement de troupes coloniales

  1. Sur « tonton Job » — de son vrai nom Joseph Henri, — consulter Sur la Côte, chap. : les Derniers baleiniers.