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Batz, même à Houat et à Hœdic, où la « charte des îles bretonnes » n’est plus qu’un souvenir, cette charte qui instituait aux îles un collectivisme primitif tempéré par les pouvoirs discrétionnaires du « recteur », lequel concentrait entre ses mains les fonctions de cantinier, de capitaine de port, de juge de paix, de notaire, de directeur des postes, de gardien de batterie et de sage-femme. L’alcool — le misérable alcool de grains, poison du corps et de l’âme, — fait tant de ravages dans les îles bretonnes qu’un ancien médecin de la marine, le Dr Bohéas, a pu écrire que « la tristesse et la joie de l’habitant se mesurent, dans ces îles, à la quantité d’eau-de-vie qu’il absorbe ». Nous étonnerons-nous ensuite si les mœurs des îliens, ces mœurs charmantes, mais d’une authenticité assez suspecte, qui rappelaient au bon Sauvigny l’âge d’or de Saturne et de Rhée, ont quelque peu perdu de leur candeur primitive ? Encore l’isolement en a-t-il sauvé maintes parcelles. Ce n’est pas la moindre singularité de ces îles que rien ne s’y passe comme sur le continent, et c’est proprement le monde renversé. Je me suis laissé dire qu’il est des hameaux perdus d’Ouessant où les filles font, comme autrefois, les demandes en mariage. À Sein, quand une îlienne est fiancée, elle ne doit plus assister à aucune fête ; elle s’abstient des danses, des veillées ; mariée, elle ne tutoie pas son mari ni ses enfants mâles. À Hœdic, le seul bijou autorisé pour les épousées est un cœur d’or qui appartient à l’église paroissiale et qui leur est prêté pour un jour. Et, comme le mariage, la naissance, la mort ont, dans ces îles, leurs rites spéciaux. On y frotte