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de musique sauvage s’engouffre dans nos oreilles.

Pistons hystériques, trombones démesurés, cors de chasse qui font tout le tour des exécutants, tambours et grosses caisses, ils sont là dix ou douze orphéonistes de l’Armée du Salut, en veston feu et casquette galonnée, qui mènent un tapage d’enfer aux pieds d’une grande femme extatique, debout sur une borne, les bras en croix et qui attend que le hourvari ait pris fin pour commencer son prêche.

Le soir, il y a foule sur le Pier, la jetée en eau profonde qui fait face à l’île de Wight et à l’angle de laquelle s’amorce le bel hémicycle sablonneux du Western Shore.

Quelques bars, sur les quais, ont entre-bâillé leurs portes, mais le silence retombe vite. Le mieux est de s’aller coucher pour prendre au saut du lit le train de Cardiff, qui part à sept heures…

Toute notre caravane est à son poste, le lendemain matin. Les plus débrouillards s’occupent des bagages. On sait que les compagnies anglaises ne délivrent point de récépissés. Pas d’enregistrement. Pas de supplément. Liberté complète. Voyagez avec votre mobilier, s’il vous convient. Mais c’est à vous de le faire charger et décharger ; la compagnie vous prête ses fourgons : elle ne répond ni des erreurs ni de la casse.

Nous sommes tellement pliés en France à nous reposer sur l’État ou les administrations du soin de veiller sur nos personnes et nos biens que cette liberté nous inquiète quelque peu. Retrouverons-nous nos bagages à l’arrivée ? Du moins il n’y a qu’une voix