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loppement si prodigieux, le désintéressement absolu est ici la condition du succès.

M. de Thézac avait été frappé de bonne heure par ce qu’il appelle « l’instinct de sociabilité des pêcheurs à terre ». Voilà une forte observation. Elle contredit quelque peu les idées reçues sur l’esprit étroit, le jaloux individualisme de nos pêcheurs, et spécialement des pêcheurs bretons. Et j’accorde que les apparences ne sont pas toujours en faveur de ces pauvres gens. Que de peine, par exemple, n’a-t-on pas eue pour les habituer à payer régulièrement leurs invalides ! Je sais encore des districts maritimes où le recouvrement de cette modique somme ne s’opère point sans tiraillements. Et pourtant, si le pêcheur breton demeure réfractaire à l’esprit de nouveauté, s’il redoute certaines ingérences dont il ne soupçonne qu’avec trop de raison le caractère intéressé, il y a chez lui, tout au fond, un très vif sentiment de la solidarité qui doit unir les membres d’un même groupe social.

La tribu, le clan, ne sont supprimés que de nom en Bretagne. En fait, ils subsistent ; ils mettent, entre les hommes, un lien moral extrêmement fort et qui ne s’est point encore relâché. Quand un deuil frappe une famille, c’est toujours le clan, la tribu, qui pourvoit aux besoins les plus pressants des orphelins et des veuves. À la suite du dernier sinistre qui ravagea l’île de Sein, une dame de Bordeaux écrivit à l’adjoint faisant fonction de maire pour offrir d’adopter un enfant pauvre de l’île : on n’en trouva ou plutôt on n’en voulut découvrir aucun. C’est que le clan mettait une