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Un trait commun à ces îles bretonnes, sauf à celles qui, comme l’Île-Grande, Tudy, Conleau, sont de simples dépendances de la terre ferme, c’est que la population masculine n’y comprend que des marins. Les femmes y cultivent le sol et font en général tous les travaux qui sont réservés aux hommes sur le continent. À Sein, si elles ne construisent pas elles-mêmes les maisons, qui sont bâties par les ouvriers du Cap-Sizun, elles servent volontiers de manœuvres, elles préparent le mortier, charrient dans des brouettes ou portent sur la tête les pierres d’angle et le moellon qu’elles vont chercher quelquefois à un quart de lieue de distance. Ce renversement des rôles est poussé si loin qu’à Ouessant, entre deux marées, quand les pêcheurs ne sont pas au cabaret et que le temps est beau, ils tricotent des bas sur le port en bavardant. Et l’on hésiterait peut-être à voir là une survivance, le legs d’un très lointain passé, si Strabon n’avait remarqué que, chez les Celtes, les travaux des deux sexes étaient répartis à l’inverse de ce qu’ils sont chez les peuples policés.

La mer a imposé partout aux hommes une vêture identique qui ne subit que de très légères retouches d’une île à l’autre. Il est remarquable aussi que la toilette féminine, dans ces îles, même dans les plus rapprochées de la chatoyante Cornouaille, est presque toujours de couleur sombre. À Sein en particulier, c’est le deuil complet ; la coiffe elle-même, dite jubilinen, est noire, et c’est une cape plutôt qu’une coiffe. Mais, à Ouessant, où les veuves se tondent, le kouricher, de forme cubique, qui rappelait à Luzel le panno italien,