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L’histoire ne s’est que trop chargée de vérifier le mot de Jules César et l’on citerait peu de races chez qui les brusques et périodiques réveils de l’esprit démagogique aient provoqué plus d’effervescences et valu de plus faciles triomphes au pouvoir central. De fait, c’est la complicité de ce même pouvoir et sa substitution, dans la direction de la conscience bretonne, aux puissances traditionnelles du Passé, caduques ou défaillantes, qui donnent seules de la gravité à la crise actuelle. Tous les Bretons sont comme leur Lamennais, et les plus anarchiques ont « besoin de quelqu’un qui les dirige », d’un exemple ou d’une autorité : ils ne trouvent en eux-mêmes aucun point d’appui, aucune prise solide dans la réalité ; ils flottent perpétuellement entre le regret et le désir. Ce sont des névrosés supérieurs, une race-femme, avec toutes les séductions et toutes les contradictions du tempérament féminin : élans passionnés, grâce rêveuse et mélancolique, spiritualité, finesse, désintéressement, goût de l’aventure sentimentale, horreur de l’action réfléchie et continue, utopisme, inconstance, fragilité. Éternel enfant de promesse, un tel peuple, si miraculeusement doué et si incapable de faire emploi de ses dons, si fuyant et tout ensemble si malléable, entêté et versatile, vain et désenchanté, suranné et ingénu, expansif et ombrageux, appartient évidemment au premier qui