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de la Légende et de la Foi. Quel accueil l’Ancêtre aux cheveux gris, penchée sur ses sources miraculeuses, repliée dans son deuil millénaire, ménagerait-elle à ce poète de toute grâce et de toute légèreté ? N’allait-elle point crier au sacrilège ? À l’audacieux qui venait troubler le songe de son dernier soir ne répondrait-elle point, comme Renan jadis à un poète de combat : « Jeune homme, la Bretagne se meurt. Ne troublez point son agonie » ?

Messieurs, il y avait une vertu magique dans les vers de notre ami. Il parut, il chanta, et tout de suite la triste aïeule s’apprivoisa. Elle lui délégua son vieux saint national, Yves de-Vérité, que les Bretons nomment Ervoan Héloury, et messire saint Yves, en sa qualité d’avocat juré, s’acquitta fort bien de l’ambassade. Vous n’avez point oublié les paroles pleines d’onction qu’il fit entendre à Gabriel Vicaire :


Que tu viennes de France ou d’un monde inconnu,
Que tes pieds aient foulé la plaine ou la montagne,
Mon fils, je le salue au nom de la Bretagne :
Entre sur mon domaine et sois le bienvenu !

Nos genêts d’or, nos clairs ajoncs, nos blanches roses,
Si tu comprends leur âme, enchanteront tes yeux ;
Notre mer te dira le secret des aïeux ;
Ecoute-la parler ! Elle sait bien des choses…

Vois ! La sainte Bretagne a pour toi revêtu
Sa parure d’ajoncs, son manteau de bruyères.
Un esprit bienfaisant respire dans ces pierres :
De ces mille fleurs d’or s’exhale une vertu.