Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ou « C’est bon ! » ou « Voyez-vous ça ! » ou « Ça m’est égal ! » Mais, sous toutes ces acceptions, il implique le même renoncement, la même abdication de l’individu devant la fatalité. J’ai connu dans mon enfance, au moulin de Capékerne, un valet de meunier qui ne faisait point d’autre réponse à ses maîtres. Il n’était point très dégourdi sans doute. On lui disait par plaisanterie :

— Jean-Marie, veux-tu aller voir, cette nuit, à Ploubezre, s’il n’a point poussé de nouvelles plumes au coq du clocher ?

Il répondait : « Ma ! » Et il allait. Celui-là, du premier coup, avait trouvé la formule du j’m’enfichisme universel…

Évidemment on peut oser beaucoup avec de pareilles gens et on ne s’en est pas fait faute. Trop d’intérêts et de tous les ordres se liguaient jusqu’à ces dernières années pour maintenir le Breton dans une sorte de demi-enfance, de minorité intellectuelle particulièrement favorable à son asservissement économique et social ; au lieu de faciliter ses communications avec le monde des vivants, on semblait prendre à tâche de le rejeter dans le passé le plus nébuleux. J’ai sous les yeux un Colloque français armoricain imprimé en 1893 et destiné « aux habitants de la campagne qui désirent apprendre le français »[1]. Et voici les étranges conversations qu’on y lit :

« Quand partîtes-vous de Paris ? — Il y a quinze jours. — Où était le roi ? — Il était à Versailles. —

  1. Saint-Brieuc, imprimerie-librairie René Prud’homme