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de chef-lieu de canton ; ils ont biffé de son œuvre les pages les plus parfaites et de préférence celles où il rendait hommage aux « maîtres exquis » de sa jeunesse, aux « excellents prêtres » qui lui « apprirent l’amour de la vérité, le sérieux de la vie », et n’en ont retenu que les plus douteuses, celles qui flattaient leur grossier sectarisme, leur haine de la pensée catholique, traditionnelle et française. Ansi l’introduction de l’esprit de parti dans une manifestation qui pouvait si aisément s’en priver aura eu pour premier effet d’écarter de Tréguier bien des admirateurs de l’illustre écrivain, soucieux de ne pas compromettre le respect qu’ils gardent à sa mémoire dans la gogaille d’une kermesse athéiste et jacobine…

Il y a, dans le Livre d’Or de Renan, une phrase que j’ai notée au passage et qui termine la lettre d’adhésion de mon vieil ami Félix Le Dantec, l’éminent professeur en Sorbonne :

« On ne pouvait approcher Renan sans l’aimer. »

Comme Le Dantec a raison ! Oui, tous ceux qui eurent l’honneur d’approcher Renan, même ceux qui, comme moi, ne se satisfaisaient plus de son pyrrhonisme et aspiraient déjà vers un renouveau intérieur, tous subirent sa séduction. Il n’y avait pas chez lui l’ombre de pose. Tandis que Victor Hugo, grisé par l’encens un peu grossier que ses disciples faisaient fumer devant lui, se figeait dans une attitude hiératique et n’était pas loin de se considérer comme le nombril du monde, Renan, au plein de sa célébrité, gardait sa bonhomie souriante, son inaltérable sérénité de cœur et d’esprit.