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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Elle reconnut les deux pêcheurs, le père et le fils qui étaient de Port-Navalo.

Grand-Louis regardait attentivement les eaux. Il décida qu’il était temps. Ils pous­sèrent plus avant dans le chenal jusqu’à l’ilôt du Diance, aride, couvert d’herbes sèches, et qui faisait une tache blonde dans les grisailles environnantes. On laissa der­rière soi la tour carrée du village, les sept cheminées du château, les digues des marais salants. La voile rouge disparut.

Le brouillard s’était levé. L’œil se per­dait dans l’immense cirque tacheté par endroits de champs de varech qui avaient l’air d’oasis dans le désert. La mer profitait de chaque dépression pour s’y blottir en flaques paresseuses et les mille embranche­ments des chenaux où l’on sentait encore la pulsation du reflux rompaient la monotonie.

On était seul. En se tenant debout dans le bateau, on se trouvait grand. On tou­chait du front le ciel bas.

Le monde entier était aboli. Il n’y avait plus là que deux êtres humains dont les âmes étaient sœurs par la simplicité.

Ève trouva dans le fond du bateau une petite fouine à demi usée qui ne devait pas valoir grand’chose, mais qui était légère, et qu’il avait dû apporter à son intention.