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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

étouffés de pas, de murmures de voix, coupés d’affreux silences. Le suaire de la brume remuait. On entendait par intervalles le gémissement de l’Océan, et tout le paysage vêtu de noir, poussé par le vent dans la même direction, avait l’air d’un cortège funèbre. Les panaches des tamariniers ondulaient en tête.

La maison même était étrange, significative, agrippée au rocher, percée d’étroites et hautes fenêtres. Elle avait servi, au siècle précédent, de dépôt de poudres. À l’extérieur, un escalier de pierre terminé par une guérite donnait accès au toit en terrasse.

La lande s’avançait en éperon sur la mer. Aux temps de grandes marées, elle devenait pendant quelques heures une île. Au haut de la falaise, se dressaient les ruines d’une redoute.

Ève regarda son papier. Elle n’y vit que des traits de plume, des mots épars, des phrases informes. La pensée ne déroulait plus son arabesque. Elle procédait par hachures et taches. Et c’était ainsi chaque soir.

La lande, la nuit et la mer se jetaient sur elle, démolissaient la maison fortifiée. Pourtant, elle l’avait délibérément choisie, un jour, grâce à la complicité du soleil.