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Grâce à la télégraphie sans fil, il y eut cependant des survivants et, ici, je ne puis m’empêcher de saluer le magnifique héroïsme des télégraphistes du Titanic. Ne nous rappelle-t-il pas le rôle non moins glorieux joué par celui du Republic, le 21 janvier 1909. Le navire venait de quitter l’Amérique. Nuit noire, brouillard épais. Tout à coup, vers cinq heures du matin, un choc suivi de craquements. C’est un vapeur italien, le Florida, qui vient, de son étrave, de heurter le travers du Republic. Ici, les compartiments envahis d’eau sont au milieu du navire, tandis que l’étrave du Florida est repliée en arrière comme un formidable accordéon, au milieu duquel sont écrasés trois matelots et un mousse de quinze ans. Sur le Republic, des cabines sont saccagées ; les draps des lits, rouges de sang, sont couverts d’éclats de ferraille, qui ont tué sur le coup trois passagers. La cabine d’opérations du télégraphiste est fracassée, les appareils de télégraphie sans fil mis hors d’usage. Avec un sang-froid admirable, Jack Rinns répare très habilement ses appareils et se met à lancer dans l’espace ses signaux de détresse. Mais, tout à coup, en bas une cloison cède et l’eau envahit les machines. Tout s’éteint, provoquant un commencement de panique parmi les passagers. Mais le calme et l’espoir renaissent, quand ou apprend que la communication est établie avec la Lorraine. Admirable invention qui, à travers l’espace, rattache des mourants aux vivants et rehausse le moral, cette première condition qui permet à l’homme de lutter victorieusement contre la mort qui l’attend. Enfin, le jour se lève, une vague lueur, car le brouillard est tellement épais qu’on ne peut voir l’eau du haut du pont. La Lorraine n’arrive pas à trouver, dans cette brume, la position exacte du Republic, malgré les indications qu’on envoie fébrilement par les ondes hertziennes. De plus, le Republic est sans voix, sa sirène restant silencieuse, puisque les chaudières noyées ne peuvent plus donner de vapeur. Mais, à côté, on entend mugir la sirène du Florida, dont les cloisons résistent bien. Alors, profitant d’une éclaircie de brouillard, on transporte des passagers sur le navire italien. Enfin, vers huit heures du soir, après une journée de recherches, la Lorraine et le Baltic arrivent au moment où le brouillard tombe tout à fait.

De ce récit, il se dégage ce fait : malgré les indications de la télégraphie sans fil, les paquebots qui cherchaient n’arrivaient pas à trouver. C’est que le Republic transformé en épave était emporté par un courant et le commandant s’en aperçut en entendant sortir des profondeurs de la mer les sons de la cloche sous-marine du bateau-feu de Nantucket. Il put ainsi faire connaître, par les ondes hertziennes, sa position approximative par rapport au bateau-feu.