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braver la nature par ces constructions géantes, une sorte de fatalité incroyable paraît peser sur les deux énormes villes flottantes de la White Star Line. Il n’y a pas encore un an que sont entrés en service les deux géants de la mer Olympic et Titanic construits presque en même temps à Belfast par les chantiers Harland et Wolff, et déjà l’un et l’autre ont subi les coups de cette fatalité.

En effet, le 20 septembre dernier, en face de Cowes, l’Olympic, l’aîné de quelques jours seulement du Titanic, eut un accident d’abordage assez étrange. Il fut frappé dans le flanc par l’étrave du croiseur anglais Hawke et peu s’en fallut que l’on n’eût encore à enregistrer une grande catastrophe maritime.

Le Hawke, en réserve à Portsmouth, rentrait d’une sortie d’essai de bon fonctionnement. L’Olympic sortait de Southampton à destination de Cherbourg par la passe de Spithead. Les routes des deux navires qui couraient l’un derrière l’autre étaient légèrement convergentes. La vitesse du Hawke étant supérieure, le croiseur rattrapa le paquebot et, lorsqu’ils ne furent plus qu’à 100 mètres l’un de l’autre, en marche à peu près parallèle, on vit soudain l’avant du croiseur se rapprocher brusquement du paquebot et lui causer une déchirure à l’arrière du milieu, à 30 mètres de l’étambot. L’étrave du Hawke fut complètement rentrée. Le jugement fut rendu par le renvoi des deux parties dos à dos ; car l’article 19 des règles de route prescrivait à l’Olympic de s’écarter du moment que les routes se croisaient et qu’il avait le Hawke par tribord, mais, d’autre part, d’après l’article 21 des règles d’abordage, le Hawke, bien qu’il eût droit de passage, devait, de son côté, faire la manœuvre qu’il jugeait la meilleure pour empêcher l’abordage, en voyant que la collision ne pouvait être évitée par la manœuvre seule de celui qui devait lui laisser la route libre ; de plus, ayant une vitesse supérieure, il ne devait pas gêner la marche de l’Olympic (art. 24).

Dans tous les cas, quelles que soient les responsabilités engagées, un phénomène assez étrange s’était révélé. Déjà, en avril 1908, un cas analogue avait eu lieu. Les deux paquebots Prinzess-Irène et Parima sortaient de New-York en marche parallèle à une distance l’un de l’autre de 60 mètres ; l’un se dirigeait vers l’Europe et l’autre vers les Antilles. Tout à coup, le Parima sembla être aspiré par la Prinzess-Irène de plus fort tonnage, malgré les efforts de la barre et de la machine. M. Taylor, le célèbre ingénieur des constructions navales des États-Unis, trouva les conclusions suivantes : « Quand un navire commence à rattraper un autre, une force de répulsion se réveille à l’avant