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Et pourtant, au premier abord, qui aurait pensé un instant qu’un tel monstre pouvait, en l’espace de deux heures et demie, disparaître pour toujours dans la nuit et le silence éternels d’un gouffre de 3 kilomètres d’eau, lui qui, transporté par l’imagination dans la rue de Castiglione, son étrave touchant les grilles des Tuileries, aurait eu son étambot proche de la colonne Vendôme. Plus large de 5 mètres que la rue de la Paix, sa hauteur aurait été, avec ses cheminées, trois fois plus grande que les maisons. Il avait une longueur de 270 mètres et une largeur de 29 mètres. Le gouvernail, mû électriquement, pesait à lui seul 100 000 kilogrammes et l’étambot, c’est-à-dire la pièce qui le supporte, 70 000 kilogrammes. Pour faire cet étambot, il a fallu 95 000 kilogrammes de métal en fusion. Le moule a demandé deux mois de fabrication et la terminaison du travail cinq mois. L’axe du gouvernail était en acier à canon de 60 centimètres de diamètre. Les ancres pesaient chacune 15 500 kilogrammes, et chaque maille des chaînes de mouillage, à elle seule, 80 kilogrammes. Les plus grandes tôles, dont sont constitués les flancs du navire, pesaient chacune 4 500 kilogrammes sous une longueur de 11 mètres. La coque était séparée horizontalement en étages par huit ponts. En commençant par en bas et en montant, on trouvait successivement le pont inférieur, le pont milieu, le pont supérieur, le pont du salon, le pont des écoutilles et le pont proprement dit. Cet ensemble de six ponts constituait ce qu’on appelle la coque résistante, la poutre creuse qui aura à subir les mouvements de flexion qui accompagnent une mer agitée. Au-dessus s’étendait le pont promenade et le pont des embarcations, qui étaient de construction plus légère, ainsi que les murailles correspondantes. Les fonds du navire étaient constitués par une espèce de damier formé de membrures longitudinales et transversales s’entre-croisant à angle droit. Les membrures transversales, qui se détachaient du fond pour monter le long des murailles à travers les ponts, étaient espacées de 90 centimètres vers le milieu et rapprochées à 45 vers les extrémités du navire ; elles étaient constituées par des fers qui affectent la forme d’U présentant deux « ailes » latérales et une « âme » qui leur est perpendiculaire ; la hauteur de cette âme était de 25 centimètres. Quinze cloisons transversales étanches partageaient le navire dans le sens de la longueur et étaient munies de portes à coulisse pouvant se fermer dans le cas de voie d’eau, soit à la main, soit automatiquement par un flotteur les déclenchant, soit par la volonté du capitaine agissant à distance par une commande électrique. C’est ce dernier moyen