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LE NAUFRAGE DU « TITANIC »


QUELQUES LEÇONS D’UNE CATASTROPHE

Durant des siècles, les voiles blanches se balancèrent sur les flots bleus. Puis un jour vint où des panaches de fumée noire accompagnèrent comme un nuage les navires dans leur marche. À partir de ce moment ce fut comme un emballement fou d’inventions. D’abord en 1838 apparaît le premier paquebot Great Western de 64 mètres de long. Puis, quinze ans après, c’est le Persia avec 100 mètres de long. En 1885, c’est-à-dire trente ans après, c’est la Champagne avec 150 mètres ; en 1900, c’est l’Oceanic avec 200 mètres. La course s’accélère encore, puisqu’il suffit de sept ans pour passer de 200 à 232 mètres avec les Lusitania et Mauritania actuels de la Compagnie Cunard. Enfin, en 1911, sont lancés les deux gigantesques paquebots de la White Star Line, l’Olympic et le Titanic de 270 mètres de longueur.

En somme, il a suffi de soixante-quinze ans, à peu près la durée moyenne d’une existence humaine, pour voir les longueurs quadruplées et les tonnages, c’est-à-dire les capacités totales, augmentées dans l’énorme proportion de 1 à 30. La profondeur de carène, c’est-à-dire le tirant d’eau, est passée de 5 à 12 mètres ; la vitesse a plus que triplé, de 15 à 48 kilomètres à l’heure.

Une question, dès lors, se pose : cette course fantastique va-t-elle s’arrêter ? Il semble en effet qu’on approche d’une limite que les Américains ont vue, puisque les écluses du canal de Panama limitent à 300 mètres la longueur maximum des paquebots qui pourront y passer. L’épouvantable catastrophe du Titanic va peut-être produire une réaction et il est fort possible qu’on ne voie jamais le navire de 300 mètres de long : il semble bien, en effet, que les dimensions colossales du paquebot ont été pour quelque chose dans sa perte.