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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

sorte qu’on se fût cru dans une grange vide plutôt que dans une crèche, n’était la fougère fraîchement renouvelée qui jonchait le sol. À l’un des angles opposés au coin des vaches, une charrette renversée sens dessus dessous formait une espèce de table que recouvrait une pièce de toile étendue là comme sur un séchoir. Dom Karis prit au râtelier une botte de paille et s’y coucha, après avoir placé son bissac sous sa tête, en guise d’oreiller. Puis, tout en égrenant dans sa poche son chapelet, il attendit.

Son attente ne fut pas longue.

La lueur d’une lanterne de corne rougeoya dans les ténèbres du dehors.

— Mendiant ! héla discrètement une voix,

— Voilà, mon officier !

— Eh bien ? interrogea le soudard en laissant retomber la claie qui fermait l’étable.

— Dom Karis est ici, j’en ai la certitude, foi de Yann Divalo ! affirma le prêtre…… Il ne tient qu’à nous de le pincer. Seulement, dame ! il faudrait agir avec prudence. Pour peu que nous donnions le moindre éveil, il nous filera des mains comme une anguille. Et tes hommes, citoyen commandant, en l’état où je les ai vus, me paraissent plus propres à compromettre le succès de notre entreprise qu’à la servir…

— Je les obligerai bien à se tenir cois.

— C’est quelque chose, mais ce n’est pas encore assez. Consentiras-tu à monter la garde toute la nuit en un lieu que je t’indiquerai ?

— Indique.

— Viens donc et suis-moi ; mais commence par éteindre ton fanal.

Dom Karis se glissa dehors, le long du mur de l’étable, feignant les précautions les plus minutieuses. Le sergent