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HISTOIRE PASCALE

— Où est le meunier ? demanda-t-il dès le seuil, d’une voix rogue.

— C’est moi, fit en se levant maître Jean Derrien.

— Fort bien. Tu vas nous loger ce soir.

— À ton service, citoyen commandant. Nous sommes prêts à te céder, à toi et à tes hommes, tout ce que nous avons de lits. Mais auparavant chauffez-vous, si vous êtes transis ; buvez, si vous avez soif ; mangez, si vous avez faim. Ma maison est la vôtre.

— Pas mal parlé, dit le chef d’un ton radouci… Mais sais-tu qu’on la prétend suspecte, ta maison ?

— Qui prétend ça ?… De mauvais payeurs, peut-être, pour qui j’ai refusé de moudre.

— Nous en recauserons… Toi, citoyenne, mets notre couvert.

Il s’approcha de l’âtre, reconnut Dom Karis qui s’apprêtait à quitter son escabeau pour lui faire place.

— Ah ! c’est toi, mendiant ?

— Oui, le moulin de Keryel a toujours été hospitalier. J’y ai, quand je passe, ma couchée de paille à l’étable, articula le prêtre à voix haute.

Puis, plus bas, se penchant à l’oreille du soudard :

— J’ai appris du nouveau. Viens me rejoindre, dès que tu pourras, dans le bâtiment où l’on m’héberge, sous prétexte d’inspecter le logis.

Ayant souhaité le bonsoir à chacun Dom Karis gagna la porte.

L’étable où se rendit Dom Karis était situé au fond de l’aire. C’était une construction assez spacieuse et dont l’intérieur témoignait, du moins pour l’instant, d’une singulière propreté. Les bestiaux, d’ailleurs peu nombreux, avaient été relégués contre l’un des pignons, en