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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

S’adressant au meunier, il ajouta :

— Me voilà sec, Jean Derrien ; la soirée est admirable ; allons faire un tour par le courtil.

Ils sortirent dans la fraicheur grise du crépuscule qui tombait.


III


Quand ils rentrèrent au bout d’une demi-heure, Jean Derrien se frottait les mains et, dans ses yeux vifs, une gaîté malicieuse brillait. Tout le personnel du moulin était attablé pour le souper, à savoir : un garçon meunier, une servante et le petit gardeur de vaches. Mar’Yvonne avait déjà mis tout ce monde au courant des événements, Jean Derrien leur dit :

— Quoi qu’on vous demande de faire, ne vous étonnez de rien.

— Compris, grommela le garçon meunier, le nez dans son écuelle.

On mangea vite et en silence.

Le petit gardeur de vaches alla soigner ses bêtes, mais il reparut presque aussitôt pour annoncer que des gens ivres venaient par le sentier du bord de l’eau en chantant une chanson française.

C’étaient les soldats du bataillon d’Étampes. Ils étaient quatre, dont trois semblaient avoir bu plus que de raison. Seul, celui que Dom Karis appelait le chef ou l’officier avait conservé en partie son sang-froid.