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HISTOIRE PASCALE

« — Rappelle-toi, vieux… La récompense est de mille livres… Prends garde seulement de te laisser devancer…

« — Ho ! ho ! fis-je vous allez plus vite que moi, je le sais. Mais tout de même j’aurai peut-être découvert avant vous la retraite de Dom Karis.

« — Nous verrons, dit l’officier.

« Et, sur ce, ils doublèrent le pas, riant et se gaussant… Je m’attendais à les trouver installés ici, et j’ai été agréablement surpris en voyant Jean Derrien arriver au devant de moi avec sa mine de tous les jours… Ils auront probablement jugé à propos de faire quelques crochets à droite et à gauche vers les manoirs de Lezguern et de Kerbastiou. Mais il faut vous attendre à les voir arriver d’un moment à l’autre…

— Seigneur Dieu ! s’exclama la meunière… Et moi qui ai prévenu tous les voisins que vous célébreriez chez nous, cette nuit, l’office de Pâques !…

— N’était-ce pas chose entendue entre nous, Mar’Yvonne ? fit doucement le recteur.

— Mais comment les avertir à présent qu’il y a contre-ordre ?

— Je n’ai pas dit qu’il y eût contre-ordre, Mar’Yvonne,

— Quoi ! vous vous imaginez que ces allées, ces venues de gens dans nos alentours, à une heure si étrange, passeront inaperçues des soudards !… C’est donc votre mort que vous cherchez, monsieur le recteur ?

— Ni ma mort, ni la vôtre, ni celle d’aucune de mes ouailles… N’ayez point d’inquiétudes, Mar’Yvonne… J’ai réfléchi à tout cela ; nous allons en causer, Jean et moi ; tout s’arrangera bien, j’en suis sûr… Vous, ne vous préoccupez que de faire bon visage aux Étampois. Qu’ils trouvent abondamment à manger, plus abondamment à boire… Pour le reste, Dieu nous aidera.