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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

lue de l’enclos contigu au cimetière et servant de jardin presbytéral. Il entra, la serpe en main, trouva son « confrère » qui lisait au frais, vautré dans l’herbe folle, foisonnante comme en pleins champs.

— Tu as là une superbe plantation de rosiers, citoyen curé.

— Possible ! fit l’autre, indifférent.

— Oui, mais si tu n’y prends garde, chacun de ces sujets menace de retourner à sa nature primitive de sauvageon.

— Ah !

— Parole de jardinier.

— Que veux-tu que j’y fasse ?

— On les taille, parbleu !… Il y a dans le nombre, à ce que je vois, des variétés qu’il serait criminel de laisser perdre…

— Tu prêches pour ton saint.

— Eh bien ! non, citoyen-curé… La preuve, c’est qu’avec ta permission je vais te les tailler pour l’amour de l’art, tes rosiers…

Hip ! Houp !… Les branchettes stériles furent élaguées, Dom Karis s’éloigna content, et, l’été d’après, les roses fleurirent…

Tel était l’homme au devant duquel s’acheminait Jean Derrien, le meunier de Keryel.

Ils se joignirent à quelques pas du tronc rustique ou les pèlerins, de nos jours encore, ont coutume de déposer leur offrande en mettant le pied sur la « terre de sainte Thècle », avant de s’engager dans la sente qui, à travers prés, conduit jusqu’à la chapelle.

Pour tout autre qu’un de ses fidèles paroissiens, Dom Karis eût été littéralement méconnaissable.

Un feutre aux bords jadis retroussés, mais amollis et