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HISTOIRE PASCALE

Il excellait à être partout et nulle part.

Dans les premiers temps de la « persécution », comme il disait, quelques administrateurs trop zélés du district lancèrent une dizaine de « citoyens » à ses trousses, avec ordre de le ramener pieds et poings liés à la prison de ville. Lesdits citoyens furent si peu aimablement accueillis sur le territoire de Ploubezre qu’ils s’empressèrent de rentrer à Lannion dare-dare, jurant qu’ils avaient vu parfois trente-six mille chandelles, mais pas l’ombre de Dom Karis.

On finit par où l’on aurait dû commencer. On laissa en paix ce vieillard.

Il avait près de soixante-dix ans.

Mais qu’il était donc resté alerte, et jeune, et vivant !

De jour et de nuit, par vent, grêle ou soleil, il se multipliait à travers sa paroisse. Il baptisait ici, confessait là, extrémisait plus loin, se prodiguait à tous, arpentant les routes, franchissant les talus, de ses longues jambes infatigables, sous les déguisements les plus variés, tantôt maçon, tantôt ménétrier, tantôt colporteur, cachant le pain-chant d’une hostie entre les pages d’un livret de sans-culotte.

Il disait parfois avec une pointe d’humeur sacerdotale :

— Mon remplaçant assermenté n’a vraiment pas grand’chose à faire, grâce à moi… Il devrait, au moins, me rendre le service de soigner en mon absence mes rosiers…

Le vieux prêtre errant et sans abri ne regrettait de son presbytère qu’une admirable collection de rosiers, le seul luxe qu’il se fût jamais permis… Il souffrait de la voir négligée par celui qui occupait actuellement son ancienne et chère demeure.

Un jour, il ne put se tenir de pousser la porte vermou-