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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

II

Un prêtre d’autrefois, ce Dom Karis, ci-devant recteur de Ploubezre. Ainsi que la plupart des membres du bas clergé en notre pays, il avait été des premiers à saluer l’aube de la Révolution comme le signal d’une ère nouvelle, toute de justice féconde et de généreuse égalité.

« Dieu le veut ! » avait-il crié, dans un sermon célèbre, du haut de sa chaire paroissiale, le dimanche qui suivit la prise de Bastille. On l’en plaisanta plus tard, quand le cours des choses se fut précipité, emportant les principes mêmes au nom desquels le mouvement s’était d’abord accompli. « Ah ! ah ! lui disait-on, vous avez changé de façon de voir, Dom Karis ! » — « Nullement, répondait-il. J’ai tenu la Révolution sur les fonds baptismaux, et je m’en vante : ce n’est point ma faute si elle a mal tourné ». Il refusa le serment, mais n’accepta pas non plus d’émigrer. Son évêque, Mgr le Mintier, le pressant de l’accompagner dans sa fuite, il lui écrivit ces simples mots, non peut-être sans ironie : « Un évêque peut s’en aller : il n’a que des liens spirituels avec son diocèse. Mais moi, j’ai toutes mes ouailles suspendues à mes basques. Lors même que je voudrais les lâcher, elles ne me lâcheraient pas… » Il quitta son presbytère, pour laisser la place libre à son successeur constitutionnel, mais demeura dans la région, invisible et toujours présent.