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À MONSIEUR JAMES DE KERJÉGU

C’est en témoignage d’une amitié déjà vieille que j’inscris votre nom en tête de ces humbles histoires bretonnes. Elles n’auront pas pour vous le piquant de la nouveauté. Vous les aurez lues, au fur et à mesure qu’elles paraissaient, dans la petite gazette finistérienne pour qui elles furent composées et qui vous est chère, comme à moi-même, à plus d’un titre. Je dois beaucoup à ce modeste journal. Il m’a valu de précieuses sympathies, celle entre autres de ce pauvre Percher, enlevé depuis par un trépas si tragique. Mais surtout il m’a mis en communication constante avec les deux éléments les plus purs de notre antique race, les paysans et les marins. Des meneurs de charrues et des patrons de barques, voilà les gens que ces récits eurent mission de distraire, voilà pour quel public furent écrits ces contes, destinés à être lus en famille, entre messe et vêpres, le jour du repos dominical.

Le peuple breton — et ce n’est pas son moindre charme — est demeuré un peuple enfant. La politique l’intéresse peu : il préfère les belles histoires. C’est un goût qui lui passera sans doute à la longue, mais il l’a encore, et ni vous, ni moi ne nous en plaindrons. Il est, du reste, lui-même un obstiné créateur de mythes et de légendes. Sa mémoire est prodigieusement riche en souvenirs que sans cesse son imagination retravaille. Les trois quarts du temps, en rédigeant les épisodes qui constituent ce livre, je n’ai fait que