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RÉCITS DE PASSANTS

« Il se fit un silence. Jean Bleiz vit s’engouffrer lentement les deux têtes. Il murmura : « Je n’ai plus de fils », battit l’air de ses bras et s’évanouit sur le sable couleur de cendre…

« Quand il reprit ses sens, une cloche lointaine, une cloche de l’autre monde sonnait l’angélus. Et il entendit son fils Noël, agenouillé près de lui, qui lui disait :

  • — Vois cette fumée blanche qui monte dans le ciel !

C’est l’âme délivrée d’Evenn Mordellès qui gagne le Palais de la Trinité…

« Il regarda, vit les talus, plantés d’ajoncs, et devers l’Orient, où le jour commençait à poindre, un petit nuage clair, déjà haut, soulevé par les premiers souffles du matin.

« La Blanchonne ramena le père et le fils.

« Debout au seuil de la maison, Glauda les reçut sur son cœur, blême des angoisses de sa longue veille. »

« Mon histoire devrait finir ici, grommela le taupier, mais elle a malheureusement une autre fin, et vous devinez laquelle.

« Soit involontairement, soit à dessein, Noël Bleiz avait ouvert ses lèvres aux eaux de la mort : il en perdit le goût de vivre.

« Il décéda le vendredi, jour du Christ. Son père et sa mère ne demeurèrent après lui que pour l’ensevelir.

« J’ai suivi les trois enterrements dans l’espace d’une seule année. Dieu fasse paix aux maîtres de Rozvélenn ! Ils sont en Paradis, je pense, et peut-être aussi la Blanchonne qui jamais ne pécha.