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RÉCITS DE PASSANTS

jeune homme, pressée comme les gouttes d’une pluie d’orage. Mais son âme aussi s’était amollie. Et, lorsqu’Evenn, le prenant par le bras, lui demanda : « Dis, est-ce que tu m’en veux encore ? » il ne put que le serrer sur sa poitrine et fondre en larmes.

Ici, le taupier s’interrompit : — Je n’ai pas l’habitude, fit-il, de parler si longtemps d’une seule haleine. Dans mon métier, on est plutôt silencieux.

Gaïd Dagorn, qui savait son monde, comprit que c’était une écuellée de cidre qu’il attendait. Il la but d’un trait ; puis, s’étant essuyé les lèvres du revers de sa manche, il reprit le fil de son récit :

« Ce soir-là, donc, quand les servantes eurent fini d’aller et de venir par la cuisine, Jean Bleiz et Glauda, sa moitié de ménage, s’assirent, selon leur coutume, dans leurs fauteuils de bois, aux deux coins du foyer.

« Et ils recommencèrent leurs jérémiades, sur le sujet que vous savez, incapables désormais de penser à autre chose.

« Soudain, la porte de la cuisine s’ouvrit, et Evenn Mordellès entra, disant :

« — Pardonnez-moi si je vous dérange dans vos méditations du soir, mais j’ai à vous entretenir.

« Les deux vieux s’entre-regardèrent, eurent l’air de se demander l’un à l’autre :

« Que nous veut-il ?

« Quelque chose d’important, à coup sûr, à en juger par sa mine grave et l’émotion qui perçait dans sa voix. Jean Bleiz dit :