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RÉCITS DE PASSANTS

proche, comme si les lames fussent venues battre contre les murs du logis. Gaïd, après s’être signée une dernière fois, interpella une espèce de colosse aux poings velus, assis en face d’elle, de l’autre côté de la cheminée.

— Çà, taupier, dit-elle, puisque vous êtes des nôtres, ce soir, contez-nous une histoire de votre pays de Commana, là-bas, à l’intérieur des terres.

L’homme fit entendre un grognement, un hon inarticulé.

Puis, comme la ménagère insistait :

— Tout de même, prononça-t-il… Seulement, ce n’est pas une histoire, c’est une chose arrivée.

Et il commença d’une voix posée, un peu sourde.

« À Rozvélenn, en Sizun de la montagne, vivait, il y a quelque vingt-cinq ans, un fermier du nom de Jean Bleiz, qu’on appelait encore Bleiz du Ménez, pour le distinguer d’un de ses cousins qui habitait le bourg.

« Je l’ai connu. C’était un homme laborieux et sage. Ses terres étaient les mieux tenues qui se pussent voir à dix lieues à la ronde. On disait de lui que le beau blé venait aussi aisément dans ses champs que la fougère dans les champs des autres. Le vrai, c’est qu’on eût fait bien de la route avant de trouver un travailleur aussi capable, aussi entendu.

« Mais son fils Noël, élevé à son école, lui était, il faut le dire, d’une aide singulièrement précieuse. Quel beau gars, solidement découplé ! et si attaché à sa besogne ! L’esprit sérieux, avec cela, trop sérieux même. Son père le morigénait souvent à ce propos.

« — Tu ne prends pas assez de bon temps. Tu réfléchis