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LES DEUX AMIS



C’êtait le soir de la Toussaint, à la veillée, dans une vieille maison des environs de Plogoff, bâtie sur l’emplacement et avec les pierres de l’ancien manoir de Kergaradec.

On connaît ce paysage funèbre de l’extrémité du Cap. À gauche, le morne chemin qui mène vers Lezcoff, la pointe du Haz, et le gouffre de l’Enfer ; à droite, la vallée profonde, où dort, dit-on, sous les eaux grises de l’étang de Laoual, tout un quartier de la Ker-Is des légendes, et qui s’ouvre, vers l’ouest, entre les promontoire sinistres du Raz et du Van, sur la mystérieuse baie des Trépassés.

Dans la cuisine, étroite et sombre comme une crypte, une douzaine de personnes formaient cercle devant l’âtre, encadré, suivant l’usage de la région, par une boiserie peinte supportant, sur une tablette, une vierge en faïence entre deux bouquets de fleurs artificielles.

Un feu de mottes brûlait dans le foyer et remplissait le réduit d’une âcre odeur de tourbe.

Les cloches de Plogoff entrèrent en branle, se mirent à tinter le glas de nuit pour la fête du lendemain. Gaïd Dagorn, la maîtresse de la maison, donna le signal de la prière et commença la série des De profundis pour tous les parents défunts. Les oraisons se succédèrent tant que dura le glas ; puis, quand les voix des cloches se furent tues dans le lointain, il se fit parmi les assistants un long silence.

Le grand bruit de la mer semblait par instants tout