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LA CHARLÉZENN

plus proches. C’était un spectacle magique. L’haleine bleuâtre de la forêt montait, odorante, comme une vapeur d’encens. Des chœurs d’oiseaux s’éveillaient, s’appelaient, se répondaient, et toutes les allégresses de la terre chantaient dans leurs voix. Cela donnait l’idée d’une sorte de résurrection universelle. Toutes choses, à la venue du soleil, semblait sortir de la nuit comme d’un tombeau. Et la Charlézenn, elle aussi, dégagée de ses projets de mort, se signa devant la lumière comme devant la plus adorable des divinités. D’un pas qui sonnait gai sur la pierre, elle descendit vers les Rannou. Triomphalement, ils s’acheminèrent ensemble par le sentier tout humide de rosée qui, à travers landes, menait au cœur des bois. Gaïd Charlès marchait en tête. Le chemin, eût-on dit, lui était déjà familier. Entre ses lèvres fines elle sifflait, elle sifflait comme un merle. Les Rannou suivaient à distance ; il y avait dans cette vierge sauvage un prestige qui les troublait.

Kaour murmura :

— C’est la fée de la forêt que nous escortons !

Et ses deux frères répondirent à voix basse :

— En vérité, oui ! c’est elle-même.


IV

La Charlézenn si fort sifflait
Que le chêne feuillu s’effeuillait…

Ainsi débutait une complainte levée à la Cherlézenn