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LA CHOUETTE

Je me rappelai, je ne sais comment, une antique formule de conjuration, retenue d’un vieux conteur de légendes à demi sorcier.

— Blanche ou noire ? Faste ou néfaste ? De la part de Dieu ou de la part du diable ? demandai-je.

Une voix faible et dolente me répondit :

— Je suis la chouette des ruines de Saint-Mélar, ô Mathias Kervenno. Regarde, reconnais-moi, et, puisque tu me fus secourable naguère, laisse-moi te sauver aujourd’hui… Tu es sur le chemin de ta damnation éternelle, Mathias Kervenno.

— Je te reconnais, dis-je à l’oiseau de ténèbres. Parle : que veux-tu de moi ?

— Tu crois rouler vers Belle-lsle et tu es en marche pour l’enfer.

— Je n’ai pas fait de mal, que je sache.

— Tu as un poids sous l’aisselle, Mathias Kervenno.

Je compris qu’il faisait allusion au missel ; la rougeur de la honte me monta au visage. Je balbutiai :

— Je n’ai dépouillé personne. Un vieux livre trouvé dans un vieux mur, est-ce donc un si gros péché ?

— Écoule, Mathias, reprit l’oiseau. Il y a cent ans, jour pour jour, Saint-Mélar étant alors paroisse, un prêtre y célébrait la messe de minuit. Déjà l’office était terminé, et le prêtre était ses ornements, tout heureux de penser qu’un bon feu l’attendait au presbytère (car il faisait un froid de loup), lorsqu’une pauvresse, arrivée sans doute en retard, se présenta à la porte de la sacristie, demandant à être entendue en confession et à communier.

« — Revenez demain, Brigida, lui dit le prêtre, contrarié. Je serai dès neuf heures au confessionnal et vous communierez à la grand’messe. »

Deux grosses larmes jaillirent des yeux de la vieille,