LA CHOUETTE
Mathias Kervenno, patriarche mendiant, originaire de
la forêt de Goat-an-Noz, entre Plougonver et Belle-lsle,
m’a fait ce véridique récit.
I
En ce temps-là — je vous parle du temps du roi Louis-Philippe
— j’étais sabotier. Vous connaissez Gurunhuël,
dans la montagne ? Notre équipe campait au pied de la
côle qui mêne au bourg, sous une majestueuse futaie
dont tous les hêtres ont été transformés en sabots depuis
lors. Nous composions entre cousins (comme nous avons
coutume de nous appeler dans la corporation) un village
d’environ cinq ou six huttes. Celle que j’occupais avec
ma femme — Dieu lui fasse paix ! — et nos quatre enfants,
aujourd’hui dispersés à travers le vaste monde,
s’adossait au mur d’une chapelle en ruines dont il ne
subsistait guère que ce pan de muraille, un vieil autel
disjoint, envahi par les ronces, et, çà et là, quelques
soubassements de piliers, ensevelis sous un épais fumier
de mousses, de plantes parasites, de feuilles mortes.
Vers l’est, cependant, derrière l’autel, l’architecture