Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
AUX VEILLÉES DE NOËL

marins so demandèrent si ce n’étaient pas quelques bourdons sans cervelle qui, s’étant égarés, s’en revenaient ainsi par le Pôle de leur pèlerinage à la ville du Pape.

Mais en voici bien d’une autre, à mesure que les sons se faisaient plus distincts, il leur sembla les reconnaître.

— Ma parole ! murmura Guilcher, je veux qu’on me coupe le cou si ce n’est pas là le carillon de Plounez !…

— Et ce timbre clair, fit le mousse, dites si ce n’est pas la petite cloche de Notre-Dame de Kerfot !…

C’étaient en vérité toutes les voix chantantes des clochers du Goëlo qui se promenaient là, autour d’eux, dans la tristesse blafarde du septentrion. Et ils se sentaient le cœur serré d’une angoisse étrange. Que pouvait bien présager ce signe ? À la lueur tremblante de la lampe de cuivre accrochée à une des poutrelles de la cabine, ils se voyaient pâles comme des morts.

Ils se décidèrent à monter sur le pont voulant savoir.

Le bruit sonore allait toujours grandissant. Mais on ne voyait rien. Les brumes demeuraient inertes et pendantes. Pas une ondulation dans leurs vastes plis.

Les hommes s’étaient accoudés au bordage. Ils échangeaient des propos rapides, à voix basse, comme s’ils eussent été à l’église. Au fait, ils y étaient, à l’église, dans l’église infinie de la mer, toute pleine d’une impénétrable vapeur d’encens.

Le mousse, grimpé dans le hauban, poussa un cri éperdu :

— Des cierges !… J’aperçois des cierges !…

De toutes parts, en effet, presque au ras de l’eau, s’allumaient, ainsi que des lucioles, des flammes pâles qui se mirent à tourner autour du navire : on eût dit une flottille d’étoiles émergée de la profondeur diffuse des té-