Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
À BORD DE LA « JEANNE-AUGUSTINE »

— Au fait, c’est vrai. C’est nuit de Noël à cette heure… réveillonne-t-on ?

— C’est une idée, cela fera passer le temps…

Yvon Floury appela le mousse :

— Tu vas nous cuire une andouille.

Puis, ayant invité le second et le matelot à descendre avec lui dans la cabine, il versa trois pleins verres de brandy, pour « faire le trou », avant la ripaille. Ils s’apprêtaient à boire à la santé du Pays, lorsque la tête ahurie du mousse se montra à l’ouverture du rouffe.

— C’est comme ça que tu t’occupes de ton andouille, animal !

— Non, mais… capitaine… c’est que… c’est vraiment extraordinaire… On dirait qu’on entend tinter des cloches à l’arrière et à l’avant, à bâbord et à tribord…

— Imbécile !

— Écoutez plutôt !

Les trois hommes tendirent l’oreille… Il avait raison, le morveux !… De tous côtés, dans le grand silence mat de la mer, retentissaient, lointaines encore, mais so rapprochant de minute en minute, de longues et lentes vibrations pareilles à des sons de cloches mystérieuses. On eût pu se croire sur une des collines du pays de Paimpol, alors que toutes les paroisses de la côte se renvoient leurs carillons pour annoncer la venue de l’Enfant-Dieu.

Les gars de l’équipage se regardaient entre eux, sans mot dire, stupéfaits.

Dans la brume épaisse, cette musique était d’une infinie douceur. Elle était maintenant toute proche : elle semblait se balancer au large rythme des eaux.

C’est une tradition, en Basse-Bretagne, que dans la semaine d’avant Pâques les cloches s’en vont à Rome. Les