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À BORD
DE LA
« JEANNE-AUGUSTINE »




I

C’était la veille de Noël, à Paimpol, dans le cabaret de la mère Foëson. Un grand feu flambait dans le foyer de la vaste cuisine au plafond bas, allumant çà et là, le long des murs, de petites lueurs claires dans le cuivre des ustensiles et la faïence à fleurs des chopines ou des brocs. Autour des tables, des hommes buvaient, en attendant l’heure de la messe nocturne. C’étaient tous des gens de mer, aux colliers de barbe dure, âpre et grise comme du lichen de roche ; on reconnaissait parmi eux les d’Islandais à leur peau bistre, à leurs yeux brillants et fixes, surtout à leurs voix éraillées, comme voilées de brume. Les autres étaient pour la plupart des goëmonniers de la baie ou des homardiers de Loguivy.

La porte s’ouvrit.

Une bouffée de bise entra et, avec elle, un colosse à barbe brune et frisée, — une tête de dieu assyrien sur des épaules immenses.

— Ohé ! À bâbord ! cria l’un des buveurs. Par ici, Yvon Floury !