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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

que Margéot, de Kercabin, désirerait l’entretenir.

Peu après, Dollo amenait le douanier. Margéot et celui-ci se saluèrent cérémonieusement.

— Monsieur, dit Margéot, étant de passage à Pontrieux ce soir, j’ai tenu à vous rendre votre visite de l’autre jour… Croyez qu’il n’y a aucune ironie dans mes paroles. La première fois que j’ai eu l’honneur de vous rencontrer, j’ai été absolument conquis par la correction de votre altitude, par la délicatesse de votre procédé.

Dollo s’était esquivé, Margéot et le sous-patron demeuraient seuls en tête à tête. Le maître de Kercabin reprit :

— Trinquons ensemble, monsieur, à la mode de Bretagne.

Puis, brusquement, dès qu’ils eurent choqué leurs verres :

— Je vous demande votre amitié. Voici la mienne.

Il jetait sur la table une bougette de grosse toile, où tintèrent des pièces d’or.

Le douanier leva sur Margéot son regard d’une fixité et d’une acuité étranges.

— Monsieur, prononça-t-il avec netteté, d’une voix tranquille où perçait cependant quelque mépris, nous ne sommes pas en foire ; en tout cas, je ne suis pas à vendre.

Margéot devint pourpre. Une poussée de sang monta de son cou de taureau à sa large face congestionnée. Il dressa son poing, son formidable poing, lourd comme la masse d’un forgeron et le laissa retomber sur le crâne du gabelou. Le jeune homme s’affaissa. En un soupir plaintif, son âme légère d’adolescent s’exhala de ses lèvres. Ce coup d’assommoir l’avait tué. Mais quand Margéot se pencha sur lui, ses yeux noirs, dilatés, attachaient encore sur l’assassin leur regard d’une limpidité