Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
LA LÉGENDE DE MARGÉOT

Neuf heures de nuit. Le couvre-feu venait de sonner. Un cavalier mit pied à terre au seuil de l’auberge. L’hôtelier parut dans le cadre de la porte, élevant un fanal au-dessus de sa tête, pour reconnaître le nocturne voyageur.

— C’est donc vous, maître Margéot ? fit il joyeusement. J’en étais sûr. Demandez à ma femme. Je lui disais à l’instant : « Il n’y a qu’un cheval pour avoir ce trot de velours. » Depuis la tournée de Guingamp, voyez-vous, rien qu’au bruit de son pas je divine Awellik… Ah ! c’est une fameuse bête !… N’est-ce pas, ma mie, que nous sommes une fameuse bête ?

Il avait pris la bride et, tout en jasant, il tapotait le poitrail d’Awellik.

— Veille à ce qu’elle ne se refroidisse point dans ton affreuse écurie, et fais-lui donner un picotin d’avoine. Sois prompt, Dollo ! j’ai à te parler.

Laissant son cheval aux mains de son ancien aide de camp, Margéot entra. « Madame Dollo » — comme on disait à Pontrieux — l’introduisit dans un étroit cabinet, dans une espèce de cellule interlope, qu’une table et deux bancs suffisaient à remplir. Il y fut bientôt rejoint par l’ex-routier.

— Dollo, commença Margéot, quand ils furent seuls, tu m’écrivais il y a quelques jours : « … Le nouveau sous-patron ? rien à craindre, une fille ! » Tu n’y vois pas clair, mon brave. Cette « fille » est capable de venir à bout de moi, si je n’y mets ordre. Comment l’appelles-tu, ce gringalet ?

— Metzu.

— Est-il en ce moment au corps de garde ?

— Je le crois.

— Va le trouver et prie-le de t’accompagner ici. Dis-lui