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LA LÉGENDE DE MARGÉOT

vous sont larges ouvertes. Mais d’abord, je vous prie, commences par cette pièce.

Cette pièce, c’était la vaste salle à manger du chàteau.

À peine Margéot en eût-il poussé les battants que le sous-patron s’arrêta, interloqué. D’un geste machinal, il se découvrit.

Au milieu de la salle, un grand catafalque était dressé. Les lignes du cercueil so dessinaient sous le drap mortuaire aux plis amples dont les franges traînaient à terre. De vieilles femmes étaient agenouillées de-ci de-là ; l’une d’elles récitait les longues prières de la mort, les autres marmonnaient les répons.

— Voulez-vous que je renvoie momentanément ces femmes ? demanda Margéot d’un ton pénétré.

— Non, monsieur, répartit le douanier. C’est chose sacrée que la mort. Je n’ai rien à voir ici.

Il fit néanmoins quelques pas dans l’appartement, mais ce fut pour prendre la branche de buis qui trempait dans une assiette pleine d’eau bénite, au pied du catafalque, et pour en asperger le drap funéraire.

— Merci, monsieur, prononça Margéot. Celui à qui vous venez de rendre cet hommage fut le plus loyal des serviteurs. Je le vénérais à l’égal de mon père.

Sur les joues du maître de Kercabin deux larmes coulèrent lentement.

Le jeune sous-patron se retira fort ému. Il visita les autres chambres, par acquit de conscience, avec une hâte visible d’en finir, peut-être même avec le regret d’avoir commencé. Margéot le reconduisit jusqu’au bout de l’avenue, après lui avoir vainement offert de le faire véhiculer jusqu’à Pontrieux.

— Bien joué, les vieilles ! s’écria ledit Margéot, en